Maîtres Couturiers (Rokoko)
Quelle idée d’avoir traduit « Rokoko » par « Maîtres Couturiers ». Rokoko est tellement universel et parlant même en français que j’aurais préféré garder ce nom plutôt que Maîtres Couturiers qui s’oublie aussitôt l’avoir prononcé 😉
Maîtres Couturiers c’est d’abord le dernier jeu d’un auteur de génie qu’est Matthias Cramer. Mr Cramer présente un parcours sans faute. Voyez plutôt : avec Helvetia, Glen More et Lancaster, Matthias a réalisé que des bombes, et Rococo prolonge ce parcours sans faute. Chapeau bas. Les co-auteurs, la famille Malz (père & fils), ont, quant à eux, réalisé un seul jeu: Edo qui avait de bonnes idées mais quelques défauts également.
Le mécanisme de choix des actions de Maîtres Couturiers est super original et très bien fait. Il me fait penser un peu à Concordia, autre bombe d’Essen de cette année, mais en augmentant les possibilités. Au début du jeu, les joueurs disposent des mêmes 5 cartes d’action. Chaque joueur choisit 3 cartes d’action et laisse les 2 restantes de côté. Celles-ci devront être utilisées lors du prochain tour. De cette manière, votre deck de cartes action va tourner et s’enrichir de nouvelles cartes à la manière d’un jeu de deckbuilding tel Dominion.
Mais ce n’est pas tout, car vos cartes d’actions permettent non pas une mais de nombreuses actions. Il existe 3 types de cartes action: les couturiers « simples », les couturiers « d’argent » et les couturiers « d’or ». Les Couturiers simples peuvent exécuter une des 3 actions de base. Les couturiers d’argent peuvent faire les mêmes +2 et ceux d’or les mêmes que ceux d’argent +1. Autrement dit, chaque carte d’action vous donne le droit d’exécuter 1 action parmi un choix de 3 à 6 actions. Et ce n’est pas tout car chaque carte action vous permet d’exécuter une action bonus.
Les actions disponibles sont:
– Devenir premier joueur
– Acheter du tissus pour…
– Confectionner une robe qui exige un mélange de couleur de tissus bien spécifique. Cette robe rapportera des PVs en fin de partie. C’est très
stéréotypé comme type d’action mais ça ne s’arrête pas là. En effet, le joueur doit alors décider ce qu’il va faire avec cette robe. Soit il la vend pour récupérer de l’argent (et l’argent est difficile à gagner), soit il la place dans un des palais en sachant qu’un jeu de majorité récompensera le premier et second joueur dans chaque palais. Mais ce n’est pas tout car certains endroits rapporteront du tissu ou de l’argent ou plus de points pour la robe. Les possibilités sont nombreuses et les choix d’autant plus difficiles.
– Construire une décoration. Cela coûte de l’argent et rapporte des PVs ou de l’argent.
– Licencier un couturier. Cela permet de gagner de l’argent et de « nettoyer » son deck.
– Engager un couturier. Cela permet, au contraire, d’enrichir son deck avec de nouveaux couturiers ayant des actions bonus de plus en plus intéressantes au fur et à mesure de l’avancée du jeu. De plus, les derniers personnages donneront des points bonus…
Tout ça donne une jeu très riche, aux choix nombreux et aux stratégies variées. Certains joueurs vont se concentrer sur la majorité dans les palais, d’autres sur les cartes action, d’autres dans les décorations et d’autres enfin dans un mélange de tout ça :-). Maîtres Couturiers est néanmoins légèrement trop long (plus de 2 heures de jeu) et un peu répétitif durant les 7 tours de jeu. Le raccourcir aurait été une bonne idée. La fin est assez calculatoire et l’interaction est très présente. Heureusement, Maîtres Couturiers est très agréable à jouer, les réflexions sont nombreuses et variées. Maîtres Couturiers est pour moi un des grands fleurons sortis à Essen cette année.
Bon, une très bonne surprise que ce Rokoko. Heuu, pardon, Maîtres Coûturiers.
Ce que j’ai trouvé pas mal intéressant est la gestion de ses cartes personnages. En effet, les personnages sont au centre des actions. Parmi son tas de cartes dispo, on en choisi 3. Les autres restent dispo pour les tours suivants. On commence avec 6 cartes et on peut engager du personnel (càd des cartes) en cours de partie. L’idéal, si les finances le permettent, c’est d’en engager un à chaque tour car ce faisant, vous faîtes une action de plus (càd 4 au lieu de 3). Au début du tour suivant, on choisit (et c’est important) 3 nouvelles cartes de son tas de cartes dispo (càd non encore jouées). S’il n’y en a pas assez, alors, on choisit dans ses cartes jouées pour compléter (et ces cartes jouées forment du coup le nouveau tas de cartes dispo). Vous suivez toujours? 😉
Le deuxième aspect que j’apprécie est les 3 niveaux de compétences du personnel. Seul le plus haut niveau, le maître, permet de faire toutes les actions. Le niveau le plus bas, l’assistant, est plus limité. Dans le choix du personnel, on fera donc attention au niveau de compétence, en fonction de son tas de cartes bien entendu, mais aussi à l’action bonus disponible. Il peut en effet parfois être plus intéressant de prendre un assistant car son action bonus est très intéressant.
Avec votre personnel sous la main, vous effectuerez les actions. L’objectif est de confectionner des vêtements de haute qualité pour les clients. On arrive ici dans la partie nettement plus classique de Rokoko, à savoir, un jeu de majorité sur plusieurs parties du plateau.
En bout de ligne, Maîtres Couturier laisse une super bonne impression mais demande pas mal de réflexion, ce qui peut allonger le temps des parties
Maitres couturiers est très plaisant, mais le milieu de partie est un peu répétitif et donc cela tire en longueur. Les stratégies sont multiples mais les bonus donnés par certaines cartes sont assez costauds et donc les points obtenus via le plateau ne suffissent pas
Malgré le thème peu attirant et une couverture de la boîte au style discutable, Maîtres Couturiers est un très bon jeu de gestion. Il y a bien sûr des ressources (tissu, lin, dentelle) à acquérir, et puis de manière assez classique les transformer en produits finis (robes, costumes). Mais là où le jeu devient intéressant, c’est justement dans la gestion de ses artisans : chaque maître donne accès aux 6 actions, le compagnon à 5 actions et un ouvrier à 3 actions. Ils possèdent pour la plupart une seconde action optionnelle. Et vous devez donc gérer votre deck comme dans Dominion : vous pouvez engager, licencier, et vous devez utiliser toutes les cartes de votre deck avant de reprendre les cartes jouées.
Lorsque vous réalisez un costume, vous avez le choix de l’exposer dans les différentes salles du plateau en vue de gagner des points de victoires, soit de le vendre pour gagner de l’argent tout de suite. Cela augmente les possibilités, et les décisions sont difficiles à prendre.
Autre aspect intéressant, des points sont attribués pour les majorités dans les 5 salles. Le joueur qui aura exposé plus de costumes que les autres joueurs dans chacune des salles gagnera des points de victoire à la fin de la partie. Il y a donc une course à la majorité, surtout vers la fin de partie. Cela rend même la partie très calculatoire dans les derniers tours.
Tout cela donne une mécanique très intéressante, un jeu bien équilibré, qui nécessite pas mal de réflexion sans qu’il soit très complexe. Malgré tout, j’ai noté quelques petits défauts pas très gênants. D’abord le plateau n’est pas des plus lisibles. Les couleurs sont assez sombres et ton sur ton. Il faut bien se concentrer pour analyser la situation. Et puis comme Raf, je citerais également la longueur de la partie un peu excessive et des cartes assez fortes. Le décompte en fin de partie est assez compliqué, mais cela a 2 avantages : il est difficile de connaître le joueur en tête pendant la partie, et cela permet différentes stratégies à essayer pour les parties suivantes.
Point de vue rejouabilité, je regrette que les cartes soient toutes jouées pendant la partie. Avoir plus de cartes que nécessaires aurait à coup sûr augmenté l’intérêt des parties suivantes. C’est largement compensé par les multiples manières de marquer des points, qui offrent plusieurs stratégies possibles !