Gentes
SwatSh: 9,5/10
Gentes c’est avant tout le dernier jeu de Stefan Risthaus, l’auteur de l’excellent Arkwright, un de nos coups de coeur 2015.
L’apogée et le déclin des civilisations
Gentes se situe durant le premier siècle avant Jésus-Christ. Vous allez étendre votre civilisation au fil de 3 ères. Et disons le tout de suite, le thème est le gros point faible de Gentes qui perd son 10/10 à cause de ça. On n’y est pas dans son jeu de civilisation. Heureusement qu’une carte de la méditerranée soit représentée au centre du plateau pour sauver un peu les apparences. Et encore, vous pouvez construire sur cette carte mais aussi sur une sorte de tableur excel. On aurait tout aussi bien pu remplacer la méditerranée par un second tableur ! 😉
Vous allez devoir former 8 types de personnage. Autant former un soldat ou un étudiant je peux comprendre, mais former un noble, il faut m’expliquer. On va construire des bâtiments sur les grandes villes méditerranéennes à raison d’un seul bâtiment par ville ! Et on ne parle pas de conquête ni de bataille. Il n’y a d’ailleurs aucun sens logique et on peut construire de tous côtés autour de la méditerranée sans être obligé d’être adjacent. On va également construire des cartes bâtiments/outils/technologies à l’aide des personnages formés. Il faudra m’expliquer pourquoi on a besoin de soldats pour construire une bibliothèque par exemple. Chaque tour est divisé en une phase d’apogée et une phase de déclin. Mais le déclin consiste simplement en une phase automatique où on va placer de nouvelles cartes et changer de premier joueur. Malgré son nom, cette phase n’a rien à voir avec un vrai déclin comme Smallworld est arrivé à le représenter.
Un effort plus particulier aurait pu être donné pour faire coller Gentes à un thème plus cohérent.
La prise d’action
La mécanique générale de Gentes est, un peu à l’image de Descendance, une mécanique de prise d’action. Sur le plateau, de nombreuses tuiles action sont disponibles. A son tour, un joueur prend une de ces tuiles et réalise l’action correspondante. Ces tuiles sont réparties entre 6 actions différentes. Ce qui différencie les différentes tuiles d’une même action est leur coût…
Les coûts d’action
Chaque tuile action coûte de l’argent et du temps.
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L’argent
Gentes propose différentes mécaniques pour gagner de l’argent ce qui permet aux joueurs d’orienter leur stratégie. Si par exemple, on s’est lancé dans une mécanique de récolte d’argent par les cartes technologie, autant continuer sa stratégie en développant encore plus de technologies. J’y reviens.
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Le temps
C’est la grande trouvaille de Gentes. Chaque action coûte du temps. Chaque joueur dispose d’une ligne du temps composée de différentes cases. Leur nombre est limité mais peut être augmenté. Ce nombre de cases représente le temps disponible. Quand on réalise une action, on prend le jeton action qu’on place sur sa ligne du temps. On prend alors autant de jeton « sablier » qu’exigé par l’action et on les place sur sa ligne du temps. Par exemple, une action coûtant 2 sabliers va prendre 3 places sur notre ligne du temps : une place pour le jeton action et 2 places pour les 2 sabliers.
La trouvaille géniale de Stefan est de laisser la possibilité aux joueurs de placer soit 2 jetons sabliers soit un seul sur sa face « double jeton ». A la fin de chaque tour, on nettoie sa ligne du temps, on enlève tous les jetons action et tous les jetons « 1 sablier ». Les jetons double sablier sont retournés face un sablier mais restent sur votre ligne du temps. Autrement dit, quand on va décider de placer un jeton double sablier à la place de 2 jetons sablier, on va gagner une place sur sa ligne du temps à court terme mais on va aussi bloquer une case pour le tour suivant.
C’est un choix pas toujours évident et même si on a été éduqué à la « mieux vaut 1 tu l’as que 2 tu l’auras », on va utiliser cette possibilité plus souvent qu’on ne l’aurait cru.
Les actions
Les actions sont quant à elles assez classiques et vont de la récolte de ressources à leurs dépenses en achat de cartes ou en construction de bâtiments. Le jeu est d’ailleurs plus simple qu’il n’y parait et les différentes iconographies du jeu aident bien à pouvoir se passer de la règle tout au long de la partie.
A noter que l’auteur a également innové dans les possibilités d’acquisition des cartes et dans le système de choix de personnage à former. Ce serait trop long à vous expliquer mais un système de coût à double voir triple lignes permet d’étendre ses choix si on cherche la qualité (achat d’une seule carte parmi les 8 disponibles) et de les restreindre si on cherche la quantité (achat de 3 cartes parmi les 4 premières). C’est clairement excellent.
Les objectifs
Dans Gentes, vous aurez l’occasion de gagner des PVs bonus en fonction de 3 éléments :
Et le premier joueur à avoir réalisé chacun de ces 3 objectifs gagne des PVs bonus. Ce système, tout bête, va apporter beaucoup au jeu : de la tension car on va vouloir être le premier et de l’interaction car on va constamment surveiller ses adversaires (pour le reste, l’interaction est assez faible). De plus, il est rarement utile d’atteindre ces objectifs, s’en rapprocher est suffisant : avoir 4 bâtiments construits sur les 6 est suffisant, former 15 personnages sur les 18 est suffisant et construire 7 technologies l’est aussi. Mais pour ces points bonus, vous allez souvent réaliser des actions plus anecdotiques : construire un bâtiment inutile, former des personnages déjà suffisamment formés,… Alors, que préférez-vous faire ? Une action inutile vous rapportant des points ou une action utile vous en apportant encore plus ? Bonjour les choix ! 🙂
Les cartes et la stratégie
Ce qui est merveilleux dans Gentes, c’est la multitude de stratégies différentes possibles. Non pas des stratégies stéréotypées mais bien des variations subtiles, un peu comme dans Lisboa. Et ce que j’ai adoré, c’est que ça vient aussi des cartes et de leur optimisation. En début de partie, les joueurs vont choisir, durant la mise en place, 2 cartes technologie. Les habilités, les pouvoirs et les PVs bonus qu’elles vont octroyer vont fortement influencer votre stratégie. Il m’est arrivé plus d’une fois, en début de partie, de me dire que cette fois-ci, je vais plutôt tenter ceci ou cela et qu’après avoir choisi mes cartes, je change totalement mon fusil d’épaule. Ha, j’ai hâte de choisir mes prochaines cartes de départ…
Gentes est un tout grand jeu dans lequel, tout comme pour Arkwright, Stefan Risthaus a démontré tout son génie. Si on fait fi d’un thème mal plaqué, Gentes représente tout ce qu’on aime dans un jeu moderne : un peu de hasard mais pas de trop, des mécaniques novatrices, un équilibrage parfait, une grande variabilité des parties, de nombreuses cartes différentes (toutes très bien illustrées par un dessin unique), des choix cornéliens, une relative simplicité, une iconographie parfaite, de la gestion des ressources, de la tension, des multiples stratégies et un gout de reviens-y absolument savoureux. Gentes est fait pour les gens tes bien 🙂
Ren: 8,5 /10
Méditerranée, civilisation, placement d’ouvriers, construction de bâtiments, fondation de nouvelles cités. Voilà le pitch de ce Gentes ma foi pas du tout désagréable de manière générale, et qui en plus comporte un mécanisme que je ne serais pas loin de qualifier de génial. Expliquons-le de suite. A son tour une joueuse aura le choix entre plusieurs actions possibles sur le plateau, jusque là du super classique. Les actions disponibles sont les suivantes:
- acheter un ou des cartes bâtiments disponibles (qui vous donneront des points de victoire, des bonus, qui vous ouvriront de nouvelles actions personnelles…)
- construire une carte bâtiment (la poser, en respectant les conditions de pose au niveau des artisans, cfr plus bas, ce qui la rend effective
- recruter/former ses ouvriers
- construire/fonder des cités sur le plateau (qui vous donneront des revenus, des points de victoire, des bonus…)
- prendre de l’argent
L’astuce qui n’est pas loin d’être géniale est que les différentes actions ont (dans la plupart des cas) un coût monétaire mais aussi et surtout un coût en temps. Chaque joueuse a en effet un plateau personnel avec un espace « temps disponible ». Chaque fois qu’elle réalise une action la joueuse prend le marqueur carré de l’action (c’est super clair sur les photos) et le met sur son espace temps disponible. Certaines actions requièrent même d’ajouter un ou deux sabliers, soit un ou deux marqueurs carrés avec le symbole sablier en plus du marqueur action. Cerise suprême sur gâteau, quand on doit poser deux sabliers on peut soit poser 2 fois un marqueur simple sablier, soit 1 fois un marqueur double sablier. Mais sachant qu’à la fin de chaque tour (il y en a 6 en tout) tous les marqueurs actions ou simple sablier sont retirés, rendant donc du temps disponible pour le tour suivant, alors que les marqueurs double sablier sont retournés sur leur face simple sablier. Donc dilemme entre plus maintenant et moins plus tard et vice-versa. Et de manière générale mécanisme génial (enlevons le « pas loin ») puisque c’est un déchirement permanent entre faire plus d’actions tout de suite mais moins au tour suivant, ou moins tout de suite (mais peut-être plus puissantes) tout en « en gardant sous la pédale » pour le tour suivant. Sachant qu’il n’y a que 6 tours, vous pouvez bien imaginer qu’il faut être au taquet à tout moment, si vous vous loupez sur 1 tour (voire 2 si vous avez mis trop de sabliers doubles), ben c’est la bérézina assurée.
L’autre mécanisme très sympa et assez original se trouve au niveau des artisans. Il y en a de 6 types différents, mais ils « s’opposent » 2 par 2. En d’autres mots par paire de 2 artisans (les paires sont les mêmes pour toutes les joueuses) vous pouvez recruter maximum 7 artisans. Donc si vous en formez 4 d’un type, vous pourrez être à maximum à 3 de l’autre type. Et si vous voulez passer de 3 à 5 pour ces derniers, cela fera automatiquement reculer les premiers de 4 à 2. Comme ces artisans sont indispensables pour pouvoir poser des cartes bâtiments, il faudra habilement naviguer dans les formations de vos artisans, et choisir les bâtiments qui correspondent le mieux à ceux que vous avez formés, sans quoi vous perdrez du temps à former certains et du coup à « déformer » d’autres que vous aviez formés auparavant…
Enfin le troisième mécanisme qui tourne très bien est la formation des artisans justements. Ils sont en rangée avec un coût croissant. Chaque fois qu’un ou plusieurs artisans sont choisis par une joueuse, ils passent au bout de la rangée, devenant plus cher pour la joueuse suivante. Et ainsi de suite. Ce qui donne beaucoup de dynamisme à cette action (les coûts changent tout le temps), et force à bien choisir le moment où on va former ses artisans (sachant que dans certains cas on n’aura pas le choix et il faudra dès lors casser sa tirelire).
Le reste donne des sensations très classiques (mais goûtues néanmoins!) de placement d’ouvriers, avec tout ce que ça comporte de blocage potentiel des autres joueuses, d’optimisation, de construction de sa machine à points… Deux aspects m’empêchent de lui donner une côte plus haute: le premier est que j’ai l’impression que certaines cartes bâtiments sont plus puissantes que d’autres. Etant donné que les cartes sont tirées au hasard (renouvelées chaque fois que quelqu’un en achète) cela peut je pense avoir un impact réel dans certaines parties. L’autre aspect concerne le design et le « feeling général ». Je n’ai pas été convaincu plus que ça au niveau visuel.
Mais au final en écrivant cette chronique je me dis que de 1 il y a les 2/3 éléments cités plus haut qui sont vraiment top, dont 1 génial. Et de 2 que si on me proposait d’en rejouer une ce soir je dirais oui tout de suite, j’ai envie d’essayer d’autres stratégies, et j’ai tout simplement envie d’y rejouer pour profiter de ce mécanisme génial. Donc en fait je lui mets un bon 8,5 et je lui donne sa chance de monter à 9 plus tard! (mais faudra être convaincant hein! :))
Philrey: 9/10
Gentes nous a bien surpris. Malgré un theme qui ne tient pas trop la route, il regorge de bonnes idées dont les deux principals à mes yeux sont:
1) les artisans: les six types sont « groupés » par 2. Lorsqu’on recruit l’un d’entres eux, on limite l’accès à l’autre. C’est un peu perturbant au début mais on s’y fait vite. Pour comprendre, voyez la photo ci-dessus (à côté du paragraphe de SwatSh décrivant les Actions). Les cubes de gauches sur chaque ligne indiquent le nombre d’artisants repris à gauche, les cubes de droite indiquent ceux de droite. Par exemple, si le joureur augmente de un les artisans de gauche de la première ligne, automatiquement il diminuera les artisans de droite de la meme ligne (en effet, le cube de gauche pousse celui de droite).
2) Le temps: même si pas nouveau dans le monde ludique, les actions ont un coût en temps (entre autre). Ce coût est représenté par des tuiles Sablier. Le joueur a le choix ici (pour un coût de 2+ temps) de placer 2 tuiles d’un sablier chacun ou une tuile de 2 sablier. Dans le premier cas, il limite son nombre d’action dans ce tour-ci. Dans le deuxième cas, il impacte le nombre d’action de son tour suivant. Vraiment pas mal trouvé!
Le reste est plus classique avec quelques petits twists. Exemple, les actions ne se font pas par pose d’ouvrier mais bien pas récupération de tuiles (qui prennent de la place sur votre ligne d’action/temps). Les tuiles ont des coûts différents et on retrouve les sensations du placement d’ouvrier: le premier à se servir a plus de choix et/ou un coût moindre.
Une excellente surprise ce Gentes
Chaps: 8,5 /10
Un jeu de civilisation stratégique chez Spielworxx avec un matériel austère bien en adéquation avec l’esprit antique ? Bigre, mon Graal !!!
Donc je suis parti d’un parti pris plutôt positif et qui a été confirmé.
De la pose d’ouvrier, enfin de la prise d’action en prenant son temps.
Le twist, au lieu de poser des ouvriers on récupère un token action. Mécaniquement ça revient au même mais le twist réside dans le fait de poser le token sur son plateau en payant son coût et surtout en prenant et posant le token temps qui est indiqué. Lui-même prenant une place sur le plateau personnel ce qui diminue d’autant les actions que nous ferons à cette manche. Sans oublier le petit plus de pouvoir étaler le temps sur 2 manches avec les tokens double sablier. Original, ludique et thématique (il faut du temps pour faire des choses…), comment dire, j’adore. Et du coup à chaque manche les joueurs n’ont pas le même nombre d’actions, à vous de faire ce dont vous avez vraiment besoin en prenant le temps nécessaire pour le faire…
Que faire ? construire des cités ? Développer sa population ? Faire progresser sa culture via des cartes à bonus ?
La réponse : tout ! Mais pas en même temps. Je vous rappelle que l’on construit une civilisation donc il faut bâtir des cités, progresser culturellement et développer son peuple. C’est thématique. Ajouter à cela la course pour les tuiles objectifs et on crée une stratégie, un timing dans son développement. Ceci en fonction de ce que font les autres joueurs bien sûr et en restant opportuniste, sans perdre de vue le chemin de développement que l’on a choisi.
Donc nos objectifs vont changer en cours de partie en fonction de ce que l’on a déjà réalisé, cela amène beaucoup de plaisir ludique et évite tout ennui. Avec en plus l’envie de rejouer pour voir ce que ça donne si on s’y prend autrement.
Tout ça avec des mécaniques originales qui roulent sans grincement si ce n’est l’interaction entre les joueurs, mais là ça grince fort ludiquement.
Oui le jeu est fluide, très fluide c’est très agréable (sauf un léger ralentissement quand on choisi une carte…). En plus de la mécanique pour les actions, celle du développement de sa population est thématique et originale avec ces populations liées, on ne peut pas avoir un peuple totalement scientifique et religieux… Et le profil de notre population impacte directement son développement culturel (les cartes qui ont des prérequis en population). Ce sera le moteur de notre choix en population tout au long du jeu. Le système de coût lors de développement de sa population qui est le même que pour la prise de carte est très bien trouvé. En fonction du coût on aura plus ou moins de choix et ce que l’on dépense dépend du token action pris, mais grâce aux cartes et aux villes natales on peut passer outre un token déjà pris par un autre joueur, à vous de bien prévoir tout cela.
Et forcément l’interaction entre les joueurs est forte, cela vient s’ajouter à la course aux objectifs.
Juste un mot sur le matériel, pour les populations des cubes gris et blancs auraient rendu les plateaux personnels plus lisibles. Je me suis d’ailleurs empressé d’aller en acheter.
Attention à la dernière ère
Il y a des joueurs que ça chiffonne, moi pas. On score beaucoup avec les cartes de la dernière ère, on peut aller jusque 60% de tous ses points de la partie. C’est le seul point négatif que certains joueurs soulèvent. Mais ça ne me dérange pas. Il faut prévenir bien sûr les nouveaux joueurs et de toute manière on peut regarder toutes les cartes quand on le souhaite. Evidemment il faut en tenir compte, même si la prise des cartes de l’ère II en pâtie un peu… Mais si vous assemblez bien les symboles des cartes (que celles de l’âge III n’ont pas) vous pouvez scorer fortement avec les cartes de l’âge II (par association de symboles, 2e système de scoring des cartes), en plus si vous prenez beaucoup de cartes à l’âge I et II vous allez certainement prendre le token objectif « 8 cartes » à 8 PV…
`Donc Gentes est un jeu de civilisation stratégique et thématique où l’on fait de tout, avec des twists mécaniques fort sympathiques, une bonne rejouabilité et une bonne interaction. Ses deux seuls vrais défauts sont le prix par rapport au matériel fourni et la politique 1000 boites produites, sold out en précommande (mais il va y avoir un reprint).
Tapimoket: 8,5/10
D’un point vu matériel, je le trouve un peu fadasse et un peu cheap vu le coût onéreux du jeu. En revanche, il possède toute une tripotée de mécaniques très malines qui rendent le jeu très attractif et passionnant. J’aime beaucoup la gestion du temps, l’équilibre des artisans et la subtilité des achats. C’est un des meilleurs jeu de civilisation que j’ai joué d’un point vue mécanique, dommage qu’il soit si cher.
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