Bruxelles 1893
Bruxelles 1893 est le premier jeu de son auteur Etienne Espreman. Et on peut dire qu’il fait fort l’Etienne! Faut dire qu’il est bien entouré:
– Alexandre Roche, l’illustrateur de Troyes, Rattus, Inca Empire, Singapore, a fait un boulot incroyable et Victor Horta transpire dans sa pochette.
– Pearl Games, éditeur maintenant bien établi parmi les joueurs aguerris dont les jeux (Troyes, Les Dames de Troyes, Tournay, Ginkgopolis) sont tous de grande qualité, assez exceptionnel chez un éditeur.
Bruxelles 1893 est un jeu assez classique de placement d’ouvriers mais qui intègre une dimension supplémentaire, certains appelleront ça « enchères », moi j’appellerais ça plutôt « mises » mais y a-t-il une différence? 😉 Vous pouvez placer votre ouvrier à 2 types d’endroits possibles:
1) A gauche du plateau où les possibilités sont particulières puisque les actions sont plus puissantes que sur le plateau de droite mais où celui qui y a joué le plus d’ouvriers devra se défaire d’un ouvrier. A ceci s’ajoute un système à la « Gueules Noires » où un joueur devra jouer plus d’ouvriers pour réaliser la même action si elle a déjà été choisie 2 fois. (NB: Gueules Noires & Bruxelles 1893 sont sortis en même temps, c’est juste que j’ai joué à Gueules Noires avant ;-))
Vu la difficulté de gagner des ouvriers supplémentaires, perdre un ouvrier peut être très dommageable et on va plus facilement choisir ce type d’action après avoir épuisé les actions du plateau de droite. Autrement dit, on va d’abord choisir les actions du plateau de droite puis ensuite choisir des actions du plateau de gauche. A mon goût, c’est un peu dommage que les choix soient si « orientés ».
2) A droite du plateau où tout le génie d’Etienne explose grâce à ces fameuses « mises ». On va choisir les actions sur base de nombreux critères:
– Evidemment le type d’action qu’on veut réaliser (construire une maison rapportant lorsque quelqu’un choisit l’action située dessous / prendre des ressources nécessaires à la construction de maisons / Prendre des œuvres d’art / vendre des œuvres d’art / Prendre un perso qui nous donnera un certain bonus / …)
– Afin d’acquérir une des cartes bonus située en bas d’une colonne d’actions. En effet, en bas de chaque colonne d’action se trouvent des cartes apportant un bonus à celui qui la gagne. Et c’est ici qu’intervient la « mise » puisque lorsqu’on place un ouvrier, on va aussi déposer des pièces en dessous de son ouvrier. Pour chaque colonne d’action, celui qui aura posé le plus de pièces en dessous de ses ouvriers gagnera la carte bonus. Comme chaque colonne est limitée en nombre d’actions possibles, on va choisir certaines actions non pas pour l’action qu’elles permettent mais pour gagner le bonus de la colonne.
– Mais ce n’est pas tout car entre chaque groupe de 4 actions un bonus est disponible selon un système de majorité.
Et non, les choix ne sont pas du tout faciles et sont encore amplifiés par la stratégie que vous avez choisie ainsi que par les bonus que les autres pourraient gagner si vous placez votre ouvrier à un endroit plutôt qu’à un autre.
Bruxelles 1893 n’est certainement pas un jeu révolutionnaire, mais il innove dans le genre de jeu de pose d’ouvriers par des mises et bonus divers. Il offre de nombreux choix (légèrement orientés) et stratégies. Bruxelles est un beau jeu et est clairement un des tous grands jeux sortis à Essen cette année.
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Philrey212: 8/10
Tout d’abord, Bruxelles 1893 est de toute beauté et cela n’étonne personne, connaissant l’illustrateur. Même si je trouve les plateaux fort chargés rendant la lisibilité parfois difficile. Mais c’est vraiment pour pinailler un peu.
Bruxelle 1893 est un jeu complexe avec beaucoup d’éléments à maîtriser. Donc, comptez sur plus d’une heure de règle (à Essen, il fallait aller vite). Ensuite, et bien bonne chance pour les choix. Et si vous avez des penseurs (ce fut un peu mon cas à Essen 😉 autour de la table, les parties s’allongeront.
On retrouve plusieurs mécaniques: placement d’ouvrier (classique), enchères (ou mises) lors du placement de ses ouvriers (afin de pouvoir prendre la carte exposée), achat et utilisation de carte « pouvoir » (ici des personnalités qui vous aident), collection (d’oeuvres d’art). Le tout est bien imbriqué et laisse peu de place au hasard (et aux erreurs 😉
Globalement, Bruxelles 1893 m’a séduit mais m’a paru fort lourd ce qui empêchera de le sortir trop souvent (quoi que ici, en Belgique, avec le temps et le nombre de journées maussades qu’on a, mon argument tombe à l’eau 😉
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Ren: 8,5 /10
« C’était au temps ou Bruxelles chantait, c’était au temps où Bruxelles brusselait… » Bruxelles est un jeu dont l’action se passe à… Bruxelles, qui l’eut crû? C’est un jeu que je qualifierais de « multi-fonctions », puisque plusieurs mécanismes principaux sont à l’oeuvre: placement d’ouvriers, mises/enchères, majorité… Le tout subtilement équilibré, et suffisament clair et logique pour que le jeu se déroule de manière tout à fait fluide une fois un ou deux tours joués (classique d’un bon jeu de kubenbois moderne: règles logiques une fois expliquées, même si touffues au départ, et plateau présentant des moyens mnémotechniques pour se rappeler l’un ou l’autre point oublié au cas où). Je ne vais pas détailler plus avant les mécanismes, cela a été fait plus haut, je vais plutôt m’attarder sur les aspects remarquables du jeu (dans le sens: à remarquer).
A son crédit, il faut d’abord et avant tout dire que le jeu est beau. Pour un fan d’art nouveau (ce que je suis), c’est un plaisir. Certes les plateaux sont bien chargés, mais ça reste lisible. Et puis l’art nouveau n’est pas l’art de l’épure, donc cela colle très bien au thème. Ensuite le jeu est clairement bien testé et équilibré. Il y a manifestement beaucoup de manières de gagner des points, avec beaucoup de stratégies différentes. Ce qui augure bien de la rejouabilité sur le long terme. Enfin l’interaction est réelle, puisque il y a des mises et des systèmes de majorité, on doit donc tout le temps faire attention à ce que les autres font, et essayer de comprendre un minimum leur stratégie.
A son débit, je dirais que le jeu est peut-être un ou deux niveaux trop complexe. On sent que le jeu a été peaufiné et optimisé, aucun doute là-dessus. Et il n’y aucun souci dans la compréhension des règles et dans le déroulement du jeu. Mais il y a tellement de manières différentes de marquer des points (« souci » bien évidemment amplifié par le fait qu’il y a de l’interaction avec les autres joueurs, donc il faut aussi se soucier de la manière dont eux marquent des points!), que les possibilités semblent à chaque tour énormes, ce qui entraîne un certain sentiment de pesanteur. « C’est du lourd » comme qui dirait! Conséquence direct, le jeu est calculatoire, donc le risque de voir des tours durer looooooongtemps est bien présent.
En conclusion, mon feeling est que c’est un bon, voire très bon, voire excellent jeu, mais qu’il est passé à deux doigts d’être un pur chef d’oeuvre, et du coup on est presque « déçu » à la fin (j’insiste sur les guillemets!!!!!!). Si le jeu est à un niveau de complexité (dans le déroulement du jeu et les choix qu’il offre, pas dans la difficulté des règles) de, disons, 8 sur une échelle de 10, je pense que s’il était à un niveau de 6 ce serait un jeu qui aurait le potentiel pour devenir un classique « grand public joueurs », à la 7 Wonders, Colons, Aventuriers… Mais comme le dit le dicton: « la critique est aisée mais l’art est difficile ». Donc excellent jeu, mais clairement pour public averti et prêt à investir du temps, tant dans le jeu en lui-même (les parties ne seront pas super courtes) que dans la compréhension des stratégies pour gagner.
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