Fief (édition 2015)
SwatSh: 9/10
Dans sa volonté de réaliser la réédition parfaite, l’excellent éditeur Asyncron (il faut en avoir pour rééditer 2 fois le même jeu qui, de plus, est un jeu de niche!) persiste et signe.
Fief est donc la réédition de Fief (version 2011) qui lui-même étyait la réédition de Fief d’origine, celui de 1983!
Je ne vais pas revenir sur le descriptif des mécanismes expliqués dans la fiche de Fief 2011 mais plutôt sur 3 éléments ressentis lors de cette nouvelle partie de ce jeu mythique:
1) L’alea
Avant de commencer une partie de Fief, il faut bien être conscient et accepter que l’aléatoire ait sa place dans Fief. Sur un coup de dé ou la pioche d’une carte, on peut perdre la majorité de ses revenus du tour ou au contraire les voler à un adversaire. Sur un jet de dés, on peut retrouver la majorité de ses troupes embourbées dans un mauvais temps avec l’impossibilité de bouger durant un tour. Sur un jet de dé, on peut voir la moitié de ses troupes décimées par la peste,… Et ces éléments « externes » peuvent aisément bouleverser une partie et avantager victorieusement un camp plutôt qu’un autre…
2) Les changements par rapport à la version 2011
Cette version 2015 peut être considérée comme une version légèrement améliorée de la version 2011, avec, par exemple:
– Un plateau un peu plus clair pour mieux distinguer les fiefs et les évêchés
– Des règles mieux écrites et qui ne prêtent plus à confusion
– Des adaptations dans les règles pour mieux équilibrer le jeu (par exemple, le roi ne rapporte plus 5 écus)
– Des plateaux personnels du plus bel effet
– 6 aides de jeu pour chaque joueur très bien réalisées mais auxquelles il manque une description de certaines cartes
3) La splendide immersion du jeu et son ambiance générée assez exceptionnelle
En dehors de sa mécanique, Fief est un jeu somme toute assez proche de Diplomacy au niveau de l’ambiance générée. Accords, alliances, bouleversements et trahisons sont les maître-mots dans Fief. Je ne résiste pas à l’envie de vous conter la fin de notre dernière partie.
Depuis le début de la partie, il était évident que Thierry & Benoit étaient alliés (appelons leur alliance « B&T »). Ils n’attendaient d’ailleurs que l’occasion pour se marier. L’occasion consistant a avoir un homme et une femme prêts à se marier. Mais le sort s’est acharné contre eux. Dès qu’un homme était libre pour se marier, il devenait évêque ou templier ou teuton et dès qu’une femme apparaissait, elle est devenue D’Arc! Bref, ils étaient clairement alliés mais avaient des difficultés à sceller leur alliance.
Pour les 3 autres, c’était plus subtil. Ils avaient tous 3 un pacte de non agression mais ça s’arrêtait là. Quand tout-à-coup, tout s’est précipité, 2 des 3 autres joueurs se sont mariés et grâce à cette alliance (appelons-la « R&S » pour Raf & SwatSh 😉 ) se sont rapprochés dangereusement de la victoire. Il fallait faire quelque chose. C’est alors que l’alliance du début, B&T, a nommé le joueur seul (Pascal), Roi! Ils voulaient plus équilibrer les puissances en place et surtout éviter que la nouvelle alliance R&S s’empare du titre de Roi dès le tour suivant.
Tout cela, c’était sans prévoir qu’une terrible famine allait dévaster un des évêchés de l’alliance R&S et que l’autre évêché de R&S subirait la dîme d’un cardinal adverse. L’alliance R&S s’est donc vue contrainte de se passer d’un seul écu de revenu au profit de la seconde alliance B&T qui en recevait plus de 25. Cette dernière a tout dépensé dans des unités armées promettant de dévaster l’alliance R&S. L’alliance B&T se voyait donc partie vers la victoire sur un chemin de velour rouge! En effet, l’alliance R&S ne savait construire aucune nouvelle unité et devait dépenser toute son énergie à empêcher Pascal de conquérir le dernier village d’un fief lui apportant par là la victoire. L’alliance B&T pouvait donc aisément rentrer dans les territoires de l’alliance R&S et s’emparer d’un de leurs fiefs se voyant alors partie vers une victoire assurée.
Mais c’était sans compter la même analyse de la part de l’alliance R&S qui a estimé que ce n’était pas à eux d’empêcher Pascal de gagner la partie mais à l’alliance B&T soudain beaucoup plus proche de la victoire. L’alliance R&S s’est donc retirée du front contre Pascal et l’alliance B&T s’est vue dans l’impossibilité d’empêcher la victoire de Pascal. Bravo Pascal!
Evidemment, je ne vous cache pas qu’une fin aussi terrible ait suscité énormément de discussion après la partie. En effet, cette partie a suscité beaucoup de frustration, frustration car il y a eu du kingmaking, frustration car on ne pouvait moralement pas agir ainsi, frustration car ce sont des cartes qui ont, en un tour, fait basculer la partie,…
Mais que ces discussions étaient succulentes, même le lendemain on en parlait encore! Et c’est ça aussi Fief, non seulement on est immergé dans la vie féodale, mais on est plongé à fond dans le jeu, ses stratégies d’alliance et de prise de pouvoir, ses événements bouleversants, ses trahisons, ses victoires éclatantes et ses parties qui racontent chacune une histoire unique et différente.
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Pascal: 8,5/10
Clairement cette partie restera dans les annales de Vin d’Jeu ! Quelle soirée mémorable. J’ai eu peur un moment qu’on en vienne aux mains 🙂 ! Je ne vais pas refaire tout le scénario complètement dingue, déjà bien détaillé par SwatSh. Je souligne juste que c’est tout bonnement jubilatoire de gagner alors qu’on passe toute la partie seul au milieu du plateau, entouré de 2 alliances de 2 joueurs ! Et je trouve remarquable que le jeu permette une telle issue : le (les) joueurs qui s’allient ne seront pas forcément les vainqueurs.
Venons-en au jeu en lui-même … et c’est aussi complètement dingue. Quelle richesse et quelle cohérence avec le thème : on peut conquérir, combattre, recruter, envahir des villages, récolter, construire, se déplacer, cultiver et récolter, … Mais bien au-délà de toutes ces actions (assez courantes), on peut faire des alliances, se marier, élire un roi, des évêques, un pape, … Toutes induisent forcément une interaction forte et omniprésente. Jouer seul dans son coin est perdu d’avance. Vous gagnerez par la traîtrise, la manipulation. Multipliez les coups bas et vous avez une chance.
A l’écriture de ces quelques lignes, je me demande encore comment j’ai pu gagner. En restant neutre un maximum, et en faisant copain-copain avec tout le monde. Appelons cela de la diplomatie 🙂 !
Fief est un jeu terriblement riche et terriblement prenant. Mais je suis persuadé que le plaisir serait le même en simplifiant et en réduisant les règles. Le plaisir ludique n’est pas dans les petits détails que personne ne peut retenir lors de la première partie. Non, je suis presque certain qu’on peut avoir les mêmes discussions autour de la table avec la moitié des règles.
OK, le hasard est très présent, mais peu importe, l’intérêt du jeu n’est pas dans le calcul hyper précis de vos actions. Parce que la finalité est ailleurs : Fief pousse à l’extrême l’interaction entre joueur, et favorise les joueurs fourbes ! Mariez-vous, élisez un adversaire ou faites-vous élire, alliez-vous, pratiquez la trahison à répétition, retournez votre veste, négocier, trompez vos adversaires, attaquez (par derrière), faites des promesses que vous ne pourrez pas tenir !
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Thierry: 8,8 /10
Fief est un jeu d’alliance et de (semi)coopération qui présente beaucoup d’originalité et amène les joueurs à conclure des accords soit de façon discrète, soit de façon visible. Les joueurs peuvent également décider de la jouer solo mais tout peut toujours se modifier en cours de partie. Vous l’aurez compris, stratégie et négociations sont au cœur des parties de jeu qui seront d’office emballées. Plaisir assuré !!
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Raf: 8/10
J’adore ce coté diplomatie autour de la table, ça bouge, ça parle et l’ambiance est donc au rendez-vous.
On est plongé au coeur du thème, ce qui est pour moi un très gros point positif.
Je classe cette soirée dans mon top 5 des soirées vind’jeu ou je me suis le mieux amusé et ce malgré la durée de la partie.
Si on prend le jeu pour le coté que je viens de vous décrire on peut lui mettre un 10 sans hésiter. Si vous désirez plus de stratégie par contre, à long terme, c’est chaotique a souhait, le hasard vous plombe en moins de 2 et donc très vite la frustration peut s’emparer de vous sans que vous n’y pouviez quelque chose.
La diplomatie autour de la table est primordiale et est la seule qui peut vous donner la victoire contre les coups du sort
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Tapimoket: 7,5/10
Cette 4ième et belle édition de Fief, jeu culte des années 80, ne réinvente pas tous les principes et reste très proche de sa dernière version de 2011.
Fief est un gros jeu, un jeu qui a plusieurs années maintenant. Et à l’époque, on ne lésinait pas sur les détails pour rendre un jeu plus proche de l’historique.
Dans Fief, on aura presque affaire à tous les aspects principaux du moyen âge : Les mariages, la famille, le clergé, les guerres entre seigneurs, mais aussi les allégeances, la météo…
Bref, on aura beaucoup de choses à connaître et donc un bon gros livret de règles qu’il faudra digérer.
Le jeu demandera de véritables discussions « diplomatiques » entre les joueurs, si on souhaite créer des alliances ou tout simplement éviter de finir évincé. En revanche, il s’adresse clairement à des joueurs expérimentés prêts à écouter toutes les règles pour se lancer ensuite dans un gros jeu de plusieurs heures. Et si vous avez un peu d’expérience en Roleplaying, ce sera un plus….
Fief reste quand même un « outsider » dans le domaine du jeu par sa mécanique atypique, et ce, malgré son ancienneté. Mais il est très exigeant en temps et en expérience. Il ne s’adressera donc qu’aux joueurs avertis et patients. J’en suis un, mais tout le monde n’est pas comme moi.
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