Secrets
Auteur(s): Bruno Faidutti, Eric M. Lang
Illustrateur(s): Cari
Editeur(s): Repos Production
Distributeur(s): Asmodee
SwatSh: 8/10
Après Doctor Panic, quelques extensions pour Ca$h & Guns et la superbe extension Pantheon pour 7 Wonders Duel (classée dans vos 10 meilleurs jeux de 2017), Secrets est le premier jeu de 2017 de Repos Production. Il est l’œuvre d’Eric M. Lang et de Bruno Faidutti dont la patte est immédiatement reconnaissable tant Secrets se situe dans la lignée de Mascarade.
Secrets est un jeu de rôles cachés comme le célèbre Loups Garous. Les joueurs ne peuvent endosser que 3 rôles différents : la CIA, le KGB ou les hippies. A la fin du jeu, on va dévoiler les rôles et additionner les points de chaque clan CIA & KGB. Le clan qui en a le plus l’emporte. Si un des hippies est le seul avec le moins de points, c’est lui qui l’emporte.
Au début de la partie, les joueurs vont pouvoir regarder leur propre rôle ainsi que celui d’un ou plusieurs voisins en fonction du nombre de joueurs. On va donc avoir une partie de l’information.
Actions
Ensuite, chaque joueuse va jouer à son tour. A son tour, une joueuse pioche 2 cartes différentes, les montre à tous et en choisit une des 2 secrètement. Elle donne ensuite la carte choisie face cachée à une autre joueuse qui doit choisir, sans en prendre connaissance, si elle prend ou non la carte proposée. Si elle prend la carte, elle la place devant elle face visible et exécute son action, si elle la refuse, c’est la joueuse qui a donné la carte qui la place face visible devant elle et qui exécute son action. Les actions peuvent être assez chaotiques :
- Montrer son rôle à tout le monde
- Echanger le rôle entre 2 joueurs qui ne peuvent pas voir leur nouveau rôle
- Echanger le rôle d’un joueur avec celui du centre de la table sans que personne ne sache qui (tout le monde doit fermer les yeux)
- Tirer une balle sur un autre joueur qui se reçoit des points négatifs
- Regarder le rôle d’une joueuse
Exemple 1
Rien ne vaut un exemple pour que vous compreniez bien les tenants et aboutissants du jeu. Vous allez remarquer comment le bluff, le bien joué et le chaos peuvent s’entremêler dans le jeu. Je suis un membre de la CIA et je sais que mon voisin de gauche est un hippie. Il connait aussi mon rôle. Son objectif est d’avoir le moins de points possibles alors que moi j’ai intérêt à en avoir le plus possible (tout en veillant à ce qu’il en ait plus qu’au moins une autre joueuse). Il faut savoir que si un joueur a 2 cartes les mêmes devant lui, elles s’annulent et doivent se retourner face cachée pour ne procurer aucun point. C’est à mon voisin de gauche à jouer. Il pioche une carte agent double (+2 points) et une carte psychiatre (-1 point). Comme il a déjà un agent double (+2) devant lui, il a intérêt à choisir la carte agent double car elle va annuler son propre agent double pour diminuer ses points de 2 unités si la personne à qui il donne la carte la lui refuse.
Il choisit donc une des 2 cartes secrètement et m’en propose une. Ce qui est très étrange car, s’il joue bien, il sait que je connais son rôle. S’il avait présenté sa carte à n’importe qui d’autre qui ne connait pas son rôle, tout le monde aurait pensé qu’il présentait la carte -1. En effet, tout le monde, dans sa situation, a intérêt à proposer la carte -1 car si le joueur à qui il donne la carte la refuse, elle revient chez lui ce qui lui donne -1 points au lieu de -2 avec l’agent double (personne ne sait qu’il a intérêt à avoir le moins de points possible). Donc, tout le monde aurait refusé sa carte pensant qu’il présenterait la carte -1.
Malheureusement pour lui, au lieu de présenter sa carte à n’importe qui, il me la présente, moi qui connait son rôle et qui sait donc qu’il a intérêt à me présenter l’agent double qui fait +2. Alors j’ai le choix :
- Soit je pense qu’il bluffe et qu’il me présente quand même sa carte -1 pour que je l’accepte et que je fasse -1 au lieu de +2 (il connait mon rôle et sait que j’ai intérêt à avoir le plus de points possibles). Mais ce ne serait tout de même pas très bien joué de sa part car il a intérêt à ce que tous les autres joueurs aient plus de points que lui.
- Soit je pense qu’il joue mal et qu’il a oublié que je connaissais son rôle. Dans ce cas, je sais qu’il me présente la carte de l’agent double qui fait +2 et comme j’ai intérêt à avoir le plus de points, je l’accepte. C’est ce que j’ai fait et j’ai bien joué.
Ensuite, je peux réaliser l’action de l’agent double et j’échange le rôle d’un de mes voisins avec le rôle au centre de la table. Je ne connais pas le rôle de mon voisin de droite mais je connais celui du centre de la table qui est un hippie comme celui de mon voisin de gauche. Il est donc inutile que je le change avec celui de mon voisin de gauche, je le fais alors secrètement avec celui de mon voisin de droite. Mon voisin de droite ne sait pas qu’il est devenu hippie et va donc continuer à essayer de gagner un maximum de points. Si mon voisin de droite était du KGB, j’aurais extrêmement bien joué mais s’il était de la CIA comme moi, je me serais tiré une balle dans le pied sans le savoir car je perdais un allié précieux…
Exemple 2
Ce petit exemple a pour objectif de vous montrer comment une parole d’un joueur peut influencer le jeu. Un moment dans la partie, j’ai dû montrer mon rôle à tous les autres joueurs. Il y avait eu pas mal de changements de rôle auparavant et je ne connaissais plus mon rôle. Quelques tours plus loin, alors que personne d’autre n’avait dû montrer son rôle, un joueur dit, entre 2 phrases : « comme je connais mon allié… ». Comment pouvait-il déduire qui était son allié avec tout le bazar qu’il y avait eu avant ? C’est vrai qu’il n’avait jamais changé de rôle et donc qu’il connaissait toujours son rôle. Et quel autre rôle connaissait-il ? Plus celui de son voisin puisqu’il avait changé mais bien le mien puisque j’ai dû le montrer à tout le monde. J’en ai déduit, à juste titre, qu’il était mon allié. Et cerise sur le gâteau, personne d’autre ne l’avait compris. Je ne savais toujours pas quel rôle j’avais mais je connaissais mon allié et savais donc que je n’étais pas hippie puisque les hippies n’ont pas d’allié. Voilà qui a été décisif par la suite car je savais à qui présenter les bonnes ou mauvaises cartes et lui se doutait que si je lui présentais une carte, c’était une carte qui pouvait l’avantager…
Conclusion
Vous l’aurez compris, un peu comme dans Mascarade, il y a un côté chaotique dans Secrets où, à certains moments, on ne sait plus qui est qui. Il arrive même fréquemment qu’on soit surpris à la fin du jeu en apercevant que tel ou tel joueur ait gagné ou perdu. Une joueuse peut même être étonnée et, pire, ne pas comprendre pourquoi elle a gagné. Ca nous est arrivé ! Et plus d’une fois ! Le système de pioche et de distribution de cartes est d’ailleurs un chouia trop compliqué pour un jeu de ce calibre et peut gâcher un peu la fête. Car oui, Secrets peut être une fête très agréable à jouer. Une fois qu’on comprend qu’on maitrise une partie du jeu mais pas tout, on peut s’amuser à faire des suppositions et des déductions. Et, en fonction de ce que l’un ou l’autre joueur dit ou fait en déduire son rôle et savoir s’il est votre ennemi ou votre ami. Secrets a d’ailleurs un côté très subtil et, quand tout le monde est impliqué et a bien compris les tenants et aboutissants, peut procurer un très grand plaisir de jeu dans ses déductions et suppositions même si certaines surprises peuvent malgré tout arriver… Quand on mélange le bluff, le mal ou le bien joué, la CIA, le KGB et le chaos apporté par les hippies, ça peut faire des étincelles 🙂